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Commentaires


‡‡‡
  Je prie Mademoiselle de la Chapelle
d'accepter ma tabatière d'or qui lui sera
d'autant plus prétieuse qu'elle est un don de
l'amitié de Mad e sa mère . Je la prie aussi
de prendre à son choix une douzaine de
livres dans le petit nombre de livres  ___
servant à mon usage. L'un &  l'autre lui
serviront d'occasions de se souvenir de
l'amitié & de la confiance qui nous unissent
Et ces  liens sont des motifs qui m'assurent le
secours des prières que je lui demande
instamment. Je présume l'agrément de
Monsieur Chardon , et  je ne dispose de ces
choses que sous son bon plaisir.

 
du père & de la mère les présages d'une éducation chrétienne. Je prie Dieu de tout mon coeur d'y répandre sa bénédiction.
‡‡‡  La conduite de la Divine providence sur moi, m'ayant intimement convaincue par la mort
de six enfans, de l'illusion des conjectures les mieux fondées sur de la durée de la vie des hommes: Je me crois plus
étroitement obligée que jamais à n'user des choses de ce monde que comme n'en usant pas, et à ne préter à l'espoir de
la conservation de celui qu'elle m'a accordé de nouveau qu'en lui offrant sans cesse le sacrifice d'une victime si prétieuse à
mon amour; oblation due à son empire absolu & devoir imprévisible de la créature dépendante de l'exécution des jugemens
impénétrables de ses conseils éternels.  C'est par ces considérations que je me détermine à agir dans une double supposition:
Je déclare donc & mon intention est que tous & chacun de ces legs jusqu'ici spécifiés aient leur pleine & entière exécution soit
que je décède laissant des enfans, soit que Dieu en dispose (devant ou après ma mort) avant qu'ils aient atteint l'age de __
vingt cinq ans: Et dans ce dernier cas seulement, j'adjouste les dispositions suivantes:
  Je donne et lègue à ma nièce & filleule ci devant nommée au lieu de mil livres, la somme de trois mil livres une
fois payée. Et en cas que par l'ordre des évènemens elle eut déjà reçue le premier legs de mil livres, il ne luy sera plus
payée que la somme de Deux mil livres.
  Je veux  qu'après que les legs portez par mon présent  testament  auront esté acquitez, le surplus de mes biens (supposé
le dit cas seulement ou de mon deceds sans enfans, ou de mes enfans avant leur majorité quoiqu'ils m'eussent survécu)
soit partagés entre mes frères en la manière qui suit.
‡‡  
En reconnaissance du tendre attachement __
dont il m'a donné tant de marques & singuliè-
-rement dans la personne de mon fils ainé.
  Je donne et lègue à mon frère Marc Antoine Léonard ‡‡ la sixième partie de tous mes biens tant meubles qu'immeubles
par préciput outre & pardessus sa portion héréditaire dans le restant desdits biens: De laquelle portion héréditaire je lui fais,
en tant que besoin serait, don & legs comme du dit préciput.
  Le surplus de mes biens sera partagé également entre mon dit légataire & mes autres frères. Telle est mon intention; et je me
flatte qu'elle remplit tout à la fois ce que me dictent l'estime & la tendre amitié qui les égalent dans mon coeur, et ce que me présente
un devoir de gratitude le mieux fondé qui fust jamais. Je connais trop l'Empire que la religion & l'honneur ont sur l'esprit & le coeur
de tous les trois pour douter que la bienséance de leur procédez envers Monsieur Chardon ne répondit parfaitement à ce qu'exigent
la reconnaissance & l'amitié. Je me borne donc à leur demander le secours de leurs prières, Et particulièrement à mon frère l'abbé, dans le
Saint Sacrifice où J.C. s'offre pour les vivans & les morts. Et dans l'Espérance que le Seigneur daignera exaucer mes voeux pour la
conservation de l'unique rejetton d'une famille éteinte, Je les supplie d'avoir pour lui les mêmes bontéz  qu'ils ont eus pour les morts
Et de concourir en toute manière à le préserver de la corruption du siècle, & à le former à l'affermissement de sa vocation par
les bonnes oeuvres.
  Je nomme pour exécuteur du présent testament Monsieur Chardon mon mari. C'est avec confiance que je le prie d'en
prendre le soin, persuadée que les liens qui nous unissent ne se rompront jamais. Que le Seigneur qui m'a donné avec lui que
des jours heureux, soit son consolateur & sa récompense; Qu'après l'avoir comblé de bénédictions sur la terre, il nous fasse partager
ensemble le bonheur des Anges; Que le Dieu créateur, qui touché de compassion a daigné nous accorder un nouveau fruit de nostre
union, rende cet enfant l'appui & la joye de sa vieillesse;  Que Saintement jaloux du bonheur de ce fils, et s'eslevant avec courage
au dessus des vains reproches & de la censure impie des maximes qui ont servies de règles à l'éducation de ses bienheureux
frères, il demeure inflexible à ne point s'écarter les loix & de l'Esprit de l'Evangile dans le soin de dresser ses pas dans les
sentiers de la justice; Qu'il voye longtemps cette jeune plante croistre & s'enraciner à l'ombre de la vertu; Que rempli  de
mérites & d'années, il termine sa carrière dans le repos honnorable de survivre à lui-même en laissant un fils héritier de sa foy
et que soit qu'il plaise au Souverain Dominateur faire revivre les morts & perpétuer sur la terre la race de ceux qui vivent  dans le ciel par
cet objet de la tendresse d'une famille chrestienne, soit qu'il veüille éprouver l'étendüe de son obéissance en lui demandant
l'immolation d'une telle victime; Les richesses de la grâce de Jésus Christ que je conjure le père des miséricordes de reprendre
sur cet enfant, Essuient ses larmes & fasse ici-bas les prémices de sa félicité en lui donnant la juste confiance de trouver
au jour de l'Eternité sa gloire & sa couronne  dans cette heureuse postérité. Tels sont les voeux que m'inspirent sans cesse
la reconnoisance & la tendresse infinie dont je suis pénétrée. Tels seront sans doute les motifs des prières que je le supplie __
de m'accorder..
  Enfin, remplie de vénération & de gratitude pour toutes les personnes avec qui le sang & l'amitié me lient, je les __
supplie de me continuer les effets de leur charité. La mort n'anéantit point l'amitié;  Elle sert au contraire à unir plus __
fortement ceux qui aspirent à la même patrie & à la même récompense.
  J'ai relu le présent testament dans lequel je persévère et j'approuve la rature de deux mots, l'un à la trentecinquième
ligne de la première page, et l'autre à la troisième de celle ci. Fait à Paris le troisième jour d'avril mil sept cent
trente deux.
Marie-Anne Leonard

Con à Paris le 2 juillet 1733 soixante livres
Lacroix